Je suis devenue maman à presque 18 ans... A 17 ans et onze douzième. C'était bien trop tôt, pas prévu, mais quand on m'a mis cette crevette dans les bras, ça a été instinctif. Déjà quand je le sentais bouger, je savais que ce serait dur, mais que je me devais d'y arriver. Trop tard de toute façon. La faute à mes hormones.
Je l'ai trouvé magnifique mon bébé alors qu'on ne l'avait même pas encore bien lavé. Tu vois, c'est ça l'amour.
La vérité est toute autre lectrice unique : l'enfant était blanc comme un linge, des lèvres rouge comme une tomate, et un peu fripé aussi. Il n'était pas beau du tout jusqu'à ce qu'on me le lave un peu. Mais tous mes sens de maman m'affirmaient le contraire. Aujourd'hui, je me dis que c'est miraculeux d'être mère : parce que rien au monde ne me fera toucher un truc blanc, collant et visqueux si ce n'est pas mon enfant ! Quand tu es mère, même le caca de ton bébé, ça te fout les larmes aux yeux. Plus ils grandissent, et plus ça passe, je te rassure.
Le gros inconvénient d'avoir un enfant à cet âge, c'est que dès mon séjour à la maternité, tout le monde a voulu me donner des leçons. Comment BIEN faire. Comment BIEN "s'en occuper". Parce qu'à 17 ans et onze douzième, tu n'as pas de cerveau, tu n'es qu'une marie-couche-toi-là qui s'est fait engrossée par erreur.
Alors on te montre TOUT, on veut t'apprendre TOUT. Et si tu fais mal, on te culpabilise.
Mon Grand Haricot était un peu froid, on l'a donc mis dans une couveuse pendant deux heures. J'admire les mamans dont les bébés sont en néonat', elles sont d'une patience ! Pas moi. Moi j'ouvrais le petit hublot toutes les cinq minutes pour le toucher : son petit pied, sa menotte, cette peau si blanche...
L'une des puéricultrices, Mme Je-sais-tout m'engueulait à chaque fois :
Elle : Mais enfin, si vous ouvrez tout le temps sa température ne va pas remonter ! La grande boite en verre, ça sert à le réchauffer, à maintenir une température constante....enfin, la même température tout le temps quoi !
Moi : Je sais parfaitement ce que signifie le mot constante, vous pouvez me parler comme à une adulte même si je ne le suis pas. Merci. J'aimerais qu'on appelle le pédiatre pour mettre mon bébé sur moi en peau à peau s'il vous plait. Oui, je sais aussi ce qu'est le peau à peau. Je sais même lire et écrire.
La morue dame est repartie offusquée. Sa remarque était justifiée : si je n'arrêtais pas d'ouvrir ce truc tout le temps, mon bébé n'allait jamais se réchauffer. Son ton, lui, n'était pas du tout justifié. Elle savait être mielleuse avec les mamans "normales".
Même combat pour les soins, on ne voulait pas me laisser faire. Manque de pot pour eux, j'avais appris à ouvrir ma gueule à me faire entendre. Pour l'instant.
Pendant les visites, ils furent nombreux à me dire de le laisser un peu ce bébé de quelques jours. Sinon j'allais en faire un enfant gâté pourri et, je cite "habitué aux bras". Il faudrait dire à ces bien pensants qu'un bébé de moins de trois mois ne fait pas de CAPRICES. Il a besoin des bras de sa mère. Il en aura TOUJOURS besoin.
En sortant de la maternité avec mon père, j'ai pris la décision d'être parfaite. Personne ne pourraitme reprocher quoi que ce soit. Je serai la reine du sérum phy' (prononce séromfi, s'il te plaît), de la couche Pampers. Un bobo ? Pas de souci, j'ai ma boite de pansement ! Une abeille ? Vite, vite, mon aspivenin ! Oh, et ne pas oublier mon mouche-bébé !
Ça s'est traduitpar une intolérance à la saleté... Si mon enfant était sale, c'est forcément que j'avais fait un truc pas bien. Comme oublier de le laver juste après la compote par exemple... Alors je suis devenue une accro de la lingette! Le Grand Haricot (tout petit à l'époque), sentait toujours bon, était toujours parfaitement habillé. Pas la moindre crotte de nez, les menottes toutes proprettes...
Un peu plus tard, à l'âge du quatre pattes, j'ai développé une intolérance aux bobos. S'il se blessait c'était bien évidemment parce que je ne l'avais pas suffisamment surveillé. Je tremblais en le voyant s'accrocher à la table basse. Et je tremblais par anticipation en m'imaginant ses premiers pas.
Tout devait être PARFAIT, tu comprends ? Et puis, l'extérieur, ceux qui me regardaient être une (trop jeune) mère, me jugeait sans cesse. La critique était partout, vicieuse, tantôt cachée (et aussitôt découverte), tantôt ouverte...et ça faisait un peu mal. Un peu comme un grand coup de pied au cul, tu saisis lectrice unique ?
Il faut dire que la jeune mère qui t'écrit, ô ma lectrice unique, a toujours été un peu tête en l'air, je répète TOUJOURS :
- Nous partons en week-end, la valise est prête et tout y est. Tout y est. Sauf les chaussettes.
- Grand rendez-vous vaccin à la PMI, j'ai tout dans mon sac à langer, tu penses bien, je suis organisée moi ! J'ai juste oublié les vaccins. Un autre jour c'était le carnet de santé.
- Une pause câlin avec bébé l'après-midi... et je laisse passer l'heure du goûter.
Je n'ai jamais eu droit à "quelle tête en l'air", non, rien de tout ça... simplement "elle a oublié CA ? tu m'étonnes à son âge !".
Alors je faisais mieux, et encore mieux. J'ai acheté des posts-it, un nouveau portable avec alertes-bains programmées, alerte-bibs, alerte-promenade...
Un week-end prévu ? Je fais ma liste de bagages, le LUNDI, tu comprends, je pourrais oublier un truc... Et si j'oublie un truc QUE DIRONT LES GENS ? (merci à une éducation basée sur le regards des autres).
Mon salut est venu d'un généraliste, ou plutôt d'une généraliste. Une petite odeur de clope flottait dans son cabinet. Je lui ai emmené mon bébé par hasard, pour un problème de kiki et de décalottage. Parce qu'une mère PARFAITE se doit de poser ce genre de question.
En voyant mes ongles tout rongés et mes 2156 questions dont je notais les réponses sur un carnet, elle m'a pris le carnet des mains et m'a obligée à péter un coup à dédramatiser et me calmer. J'ai craqué un peu ce jour-là, j'ai pleuré douze litres.
Je ne me rappelle pas tous les mots qu'elle a prononcés. Juste qu'elle a été tout sauf douce et maternelle. Elle m'a secouée les puces. Elle m'a crié que, je cite, "oui t'es jeune, mais c'est TON gamin, personne n'a le droit de te dire quoi faire !".
Elle m'a donné le droit d'oublier l'heure du goûter, d'avoir un bébé plein de confiture sur la bouille et avec les ongles des mains pas propres. "Un gamin crado est un gamin qui s'est éclaté !"
J'ai aussi eu le droit d'oublier les chaussettes en week-end, de donner à mon bébé de l'eau de source au lieu d'eau minérale : "ils ont des actions chez Evian dans ta famille ? c'est quoi ces conneries, toutes les eaux sont bonnes ! impose-toi !".
J'ai su qu'il n'y avait pas qu'une seule façon d'élever un enfant. Que des mères de trente, quarante ans pouvaient être tête en l'air aussi (ah bon ??), que parfois elles n'étaient pas sures d'elles et qu'elles pleuraient de fatigue elles aussi (ah bon ??). "J'ai un fils tu sais, une fois il est parti au ski sans bonnet... Bah ouais ! quand il est revenu, il ne m'a détestée pour autant !"
J'ai su que parfois, elles voudraient refiler leur marmot à quelqu'un, n'importe qui, histoire de dormir un peu... Que parfois, elles rêvaient d'un peu de solitude, ou de moments à deux (mais avec leur homme !). Et même, certaines ont rêvé comme moi de la tétine qui se remet toute seule dans la bouche du braillard bébé.
Et grande nouvelle : mon bébé ne chopait pas des rhinites parce que je ne le couvrais pas assez ! Ouf, j'étais rassurée.
J'avais le DROIT d'être une maman IMPARFAITE. On me l'avait donné ce droit. J'avais le droit de faire MES choix pour MON bébé.
Sans doute, si j'avais été plus âgée, plus sure de moi, j'aurais eu cette prise de conscience plus tôt... Mais parfois, certaines d'entre nous ont besoin d'un coup de pouce. Le mien est venu du Dr C. Je lui dis merci.
P.S : En aucun cas je ne fais l'éloge de la maternité précoce. J'ai eu la chance d'avoir une vraie jeunesse, même avec un bébé, de faire des études aussi. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Même si j'ai un fils que j'adore, j'aurais adoré vivre ma première grossesse autrement.
P.S 2 : Cet article t'es spécialement dédicacée, toi la maman qui veut toujours bien faire, toujours trop bien faire. Pète souffle un coup, ça va aller. Et lâche prise.