Dans la vie d'une mère "séparée du papa" (copyright l'instit de maternelle de mon fils), il y a un paramètre dont on ne peut faire abstraction. Un paramètre que tu te tapes à vie, tout ça parce que tu te l'es tapé pendant 18 mois quand tu avais 16-17 ans !
Mon paramètre à moi mesure 1m85, a de gros muscles et exerce la noble profession de pompier de Paris.
Être père à 17 ans, n'est pas une chose facile à assumer, c'est pourquoi je ne lui en veux pas de ne pas avoir été beaucoup là au tout début. Nous étions séparés quand j'ai su que j'étais enceinte, ce qui ne facilite rien du tout. Je lui ai toujours laissé le choix de ne pas faire partie de nos vies.
Mais à force d'amour, de volonté, d'incertitude, et de friction avec moi, c'est devenu un vrai papa. Un papa très très jeune dans sa tête mais un papa.
J'ai été longtemps jalouse de sa relation avec le Haricot. Quand ils se retrouvaient un vendredi soir sur deux, c'était très fort. Leurs week-ends étaient synonyme de jeu et de cadeau et se quitter était pour eux un déchirement.
De toute évidence, mon bébé préférait son père, du moins le croyais-je (ça se dit ça ?), ou le crus-je, comme tu veux finalement. Je savais pertinemment que le fait de ne pas se voir souvent les rapprochait, mais dans mon coeur de mère (et de sale petite peste jalouse) ça cogitait...
En fait, il n'en était rien, il nous aimait et nous aime tous les deux, tous les quatre puisque que nous avons refait nos vies le Grand Ex et moi.
Aujourd'hui rien ne va plus, c'est le bordel. Le Grand Haricot s'avère plus cérébral que sportif (même s'il fait de l'athlétisme et avec brio) : il aime s'isoler de longues heures pour lire, se demander où finit l'infini, dessiner le futur-bébé-pas-encore-né-même-pas-conçu sur des pages et des pages, jouer à la DS (quand il n'est pas puni pour cause de douches insuffisantes ou faites à la va-vite), regarder la télé notamment les conneries que regardent sa mère...
Son père rêvait d'un fils amateur de rugby, débrouillard avec un marteau à la main... Ils sont radicalement différents et Le Grand Ex en souffre. Il l'avoue lui-même, il voudrait un fils à son image. Rien n'est perdu, il pouvait encore faire quelque chose. Tout venait de moi, grandir avec seulement une femme, ça laisse des traces (enflure ! raclure de bidet !).
Il l'a donc emmené voir le Stade Français, quatre fois :
- T'as vu, c'est bien hein ? Comment ça t'aime pas les voir saigner des oreilles, mais c'est ça le sport ! Chochotte !
Il adore lui imposer des parties de foot dans le froid :
- Pas de gant ! C'est pour les chochottes !
Quand ils partent en week-end, Le Grand Ex insiste pour faire bricoler son feignant de fils :
- Bouge-toi et arrête de chouiner, chochotte ! Écrire des poésies ça va 5 minutes, t'es pas chez maman ici !
Plusieurs vacances scolaires se sont soldées par des loupés magistraux... Le Grand Ex s'en plaignait à moi : il n'avait rien partagé avec son fils. Pire : son fils ne lui avait rien DONNE.
Tant et si bien qu'un samedi matin, impossible de faire lever mon Grand Haricot pour aller chez son père... Mal au ventre, crise de larmes et enfin, diarrhée ! Trois week-end de suite... Bizarre...
Il a fini par me vider son sac. En gros, il est persuadé que son père ne l'aime pas et le prend pour une chochotte, le tout bien évidemment parce qu'ils n'ont quasiment rien en commun à part New Super Mario sur DS. La maturité de mon fils m'a foutu le cul par terre...
- Je suis très déçu de Papa, parce qu'il veut me changer, mais moi je veux pas. Et pourquoi, lui il change pas ? Et d'abord, dire "chochotte" c'est pas gentil. On dit ça quand on traite les garçons qui aiment les garçons. Et c'est pas bien, c'est la maitresse qui le dit. Je suis fâché contre Papa, mais si je lui dit, il va être triste.
J'étais tellement triste samedi que j'ai eu envie de te voir. C'est pas de ma faute si j'aime pas ses trucs. Et d'abord je suis pas feignant, je fais plein de trucs avec toi, même qu'on a repeint mon meuble, hein Maman...
Je t'avouerais, coupine adorée, lectrice unique, que je fais la fanfaronne mais quand on attaque mon petit, même si c'est involontaire (et je n'en doute pas), j'ai les ovaires qui se couvrent d'épines et les ongles qui se changent en griffes... Il a pleuré après m'avoir dit tout ça. Je l'ai envoyé prendre une bonne douche (toujours pas passé sa période craspouille) et j'ai pu pleuré en toute tranquillité et surtout pas devant lui.
J'ai rassuré mon bébé sur le fait que son Papa l'aimait mais qu'il avait un peu de mal à lui montrer. Je lui ai dit aussi que je refusais qu'il reste TROIS SEMAINES angoissé sans m'en parler malgré mes sollicitations. Putain, trois semaines...
J'ai pris le Grand Ex entre quatre yeux pour lui faire un état des lieux de la situation et surtout lui dire qu'il ne prenne pas mal tout ce que pense son fiston. A mon grand étonnement, j'ai été très calme mais catégorique sur le fait qu'il fallait qu'il arrête de culpabiliser cet enfant sur ce qu'il est.
Et qu'il devait enlever la merde qu'il a dans les yeux ses oeillères : notre enfant était précoce, très bon élève, athlète accompli, imaginatif, beau (le plus beau), avec un appétit solide (vaut mieux l'avoir en photo), trop bavard, très poli, posant des questions à la con (ça finit où l'infini ? je vais me laver ou pas ?), mais si gentil...alors...
- Il te manque quoi BORDEL DE MERDE ? Tu veux que je t'en refasse un ? Allez monte, on y va ! Arrête un peu tes conneries et réalise que tu vas perdre ton fils pour tes conneries.
Il a compris, il va faire un effort, s'excuser pour les taquineries, les chochottes etc... Il va essayer de mieux le comprendre, de respecter ses choix et ses passions. Il me l'a promis.
- On va se retrouver lui et moi, je te promets, apprendre à se parler. D'ailleurs je vais commencer pendant les vacances, je l'emmène à Charléty voir le Stade Français, ça va déchirer !
Son cas est désespéré. Je le préférais avec ses jean trop courts et sa raie au milieu...
P.S : Même si son cas est désespéré, mon fils va bien mieux. Nous avons un deal tous les trois : Le Grand Haricot doit essayer chaque nouvelle activité que son père lui propose. Mais quand il n'aime pas, IL N'AIME PAS. Un peu comme chaque nouveau légume. Et on sait qu'on ne force pas un enfant à manger...
P.S 2 : J'ai également précisé à mon Ex adoré que ses lamentables tentatives pour rendre mon fils homophobe avaient échoué.
Dans l'cul Lulu !